Terrain de Basketball

Ce midi, il n'avait pas faim .. C'est pourquoi alors que la grande majorité des élèves de ce collège étaient en train de tenter d'avaler ce qu'ils appelaient nourriture et servaient au self, Ginji s'était rendu au gymnase après quelques minutes d'errance à travers les divers bâtiments du complexe scolaire ..

Vêtu de son uniforme puisqu'il n'avait pas prit la peine d'enfiler sa tenue de match, le garçon de troisième se tenait sur le terrain, une balle entre les mains, les pieds placés de l'autre côté de la ligne des trois points ..
Dans une semaine aurait lieu les matchs d'interclasse de basket, et il savait pertinemment que, même si en temps normal, la majeure partie de sa classe demeurait à son écart, pour cet événement du moins, les membres qui composaient l'équipe de la 3.-B comptaient sur lui ..
Son regard demeurait braqué sur le cadre de la planche, situé juste au dessus de l'arceau ..

* Quelle merde .. *

Depuis le temps qu'il jouait au Basket, et cela sans pour autant en perdre ses facilités en la matière, Ginji avait perdu le goût du jeu, et c'est bien pour cela qu'il était sûrement le dernier du collège à appréhender cet événement que sont les interclasses ..
Il se souvint alors de celles déroulées l'an passé .. C'était bien sa classe qui l'avait remporté, et c'est d'ailleurs suite au match de final de cette année là qu'il avait été repéré par l'entraîneur du club du collège, après avoir enfilé plusieurs air-shoot arrière tirés de derrière l'anneau des trois points et permis d'emporter la victoire .. Bien entendu, la victoire ne lui étaient pas entièrement due, mais il faisait partie des quelques joueurs à qui cette classe la devait réellement ..

Son avant bras gauche se releva alors pour envoyer la balle haut à travers les airs .. Le ballon tourna alors sur lui même à travers son vol, guidé par sa main droite, avant de retomber en cloche directement dans l'arceau central, sans même toucher la planche, ne laissant derrière que le bruit du filet frappé par la masse sans qu'elle ne s'arrête ..

* Switch *

Panier .. De quoi rendre hystérique un débutant .. Mais pas un blasé du jeu ..
Alo, sans prendre la peine de s'avancer pour aller rechercher sa balle, le jeune garçon la laissa rouler sur le parquet ciré, tout en se laissant glisser lui même au sol, pour finir par s'asseoir en tailleur, son dos penché vers l'arrière soutenu par ses mains situées encore plus en arrière du reste ..

Il était déjà tard quand son frère est rentré à la maison, les yeux rougit, explosé, par elle ne savait quels produits, elle baissa les yeux, le salua poliment et eut un grognement pour seule réponse avant que celui-ci aille s’enfermer dans sa chambre, sa mère avait posé un regard désolé sur elle et un petit sourire réconfortant était sur ses lèvres.
Elle se leva de son siège et apporta un petit paquet emballé à Kimiko, aujourd’hui, elle fêtait ses quinze ans. Elle l’ouvrit soigneusement, c’était un bijoux, un joli collier ras de cou, avec une pierre noire où des lys blancs étaient peint et même si la jeune fille n’aimait pas particulièrement se parer de ce genre d’accessoires, elle afficha un grand sourire.
Elle savait que sa mère avait dû chercher ce cadeau pendant des semaines, quelque chose qui lui plaise mais qui n’est pas trop coûteux et même si elle n’était pas tombé juste, l’effort était remarquable et gratifiant, Kimiko se leva, alla enlacer sa mère, même si les gestes débordant d’amour n’était pas courant dans leur maison puis se dirigea vers sa chambre, même si elle n'était pas fatiguée, c'était l'heure du couché et loin d'elle l'idée de désobéir aux directives de sa mère.

Couchée sur les deux tatamis superposés, elle écoutait d’une oreille distraite les élévations de voix qui lui venait de la pièce d’à côté. Sa mère en avait encore après son grand frère, des fois, elle aimerait bien dire à sa mère de le lâcher un peu, qu’elle fait pire que mieux en étant toujours sur son dos, mais elle sait à quel point cet affront affecterait sa mère et elle ne pouvait se faire à l’idée de la blesser, de la décevoir.
Alors, elle reste couchée, jusqu’à ce que les murmures deviennent des cris, jusqu’à ce que le simple fait de se boucher les oreilles ne lui convienne plus.
Alors elle se lève, rejoint sa mère dans la chambre de son frère, lui caresse gentiment le dos, essaie de l’apaiser, mais rien n’y fait, la colère qui a prit possession de ses yeux semble ne vouloir rien céder et dans une grimace qui déforme ses traits fins,gracieux et pourtant sévère, elle crache sa haine à la tête de ce fils qu’elle aurait préféré ne jamais avoir, parce qu’il n’a rien trouver de mieux qu’extraire une partie de ses économie pour les études futures de sa préférée et même s’il crie que ce n’est que provisoire, qu’il remettra le moindre yens emprunté dans sa boite et que de toute façon, elle qui n’a jamais rien fait pour lui, elle lui doit quand même bien ça, elle ne veut rien entendre, elle a passé trop de temps à faire semblant, faire comme si les choses allait bien alors que force est de constater que tout se casse la gueule, ce soir, elle n’en peut plus, elle ne peut plus jouer la grande comédie de sa famille, elle est à bout de force.
Alors elle crache plus qu’elle ne dit, que s’il n’est pas content de comment on le traite, lui aussi, se verra jeté dehors, comme sa grande sœur et il dit que ce n’est pas grave, qu’il s’en sortirait peut-être mieux et elle quitte la chambre, sans un regard pour Kimiko, avec l’impression qu’on vient de lui planter un poignard dans le cœur, pourquoi son fils n’est pas un peu plus comme sa formidable petite fille ?

Kimiko sait qu’elle n’est pas à ce point irréprochable, qu’elle n’attend qu’un simple déclic pour violer chaque interdit que lui a dressé sa mère et que si elle s’acharne autant au travail c’est bien pour ne pas lui ressembler, pour ne pas avoir la même vie qu’elle, mais ça, bien sur, sa mère ne le sait pas.
Elle se rapproche alors de son frère, compatissante, se pose sur le bord de son lit, elle ne sait pas quoi lui dire pour le réconforter, ils ne se connaissent pas réellement, alors elle a beaucoup de mal à lui parler, mais elle voudrait lui dire qu’elle l’aime et qu’elle est là s’il a besoin d’aide, elle aimerait le prendre dans ses bras et lui dire que tout ira mieux et comme s’il comprenait ce qu’elle essayait de faire passer dans ses yeux, il se rapproche d’elle, passe son bras autour de ses épaules et fait chuter son dos contre le lit, il enserre sa gorge, presse fort, encore plus fort, mais elle ne se débat pas, elle ne crie pas, elle est prise de panique et ses yeux terrifiés plongent dans la noirceur de ceux de son frère, ceux qui lui disent à quel point il la méprise et elle a mal, parce qu’elle aurait aimé avoir une famille soudé, l’air commence à lui manqué et il retire ses mains mais lui donne un méchant coup dans le bassin avant de quitter la pièce, quitter la maison pour aller traîner les rues.

Kimiko, elle ne dit rien, elle reste prostrée sur le lit, elle sait déjà que le sacré coup lui laissera une belle marque vu comment ça lui fait mal, mais elle ne se plaint pas, elle sait que son frère à besoin de se défouler et elle ne lui en veut pas, elle espère juste qu’un jour, il voit tout l’amour qu’elle a pour lui. Elle se relève difficilement, retourne dans son lit maintenant que la maison est devenue plus calme, il lui reste plusieurs heures avant l’école, elle souhaite que la prochaine journée soit meilleure que celle-ci, au moins celle-là est passée. Elle ferme les yeux et s’endort sans que plus rien ne vienne perturber son sommeil.

Son frère n’est pas rentré de la nuit, sa mère est inquiète, Kimiko aussi, ce n’est pas dans ses habitudes, elle prépare ses affaires de sports, elle commence la journée par le cours de Tae Kwan Do, exactement ce qu’il lui fallait, de quoi se défouler, même si elle sait que la douleur abdominale causé par le poing de son frère l’empêchera d’être aussi compétente que d’habitude. Elle avale un peu de nourriture, pas grand-chose, jamais trop, elle aime son corps d’enfant, ne veut pas en changer.
Puis se dépêche de prendre le bus qui l’emmène jusqu’au collège, là, elle n’échange de regard avec personne, fuit les gens, ne veut pas se mêler, elle plonge le nez dans l’un de ses bouquins, mais l’attention n’y est pas, elle le fait pour se donner une consistance, parce que son esprit divague, pense à son frère et à comment l’aider, que faire pour apaiser sa colère, car elle n’aimerait pas le perdre, que les choses deviennent irrémédiable, même si elle se demande si elles ne le sont pas.

Le bus s’arrête devant l’école, elle a plusieurs minutes avant de devoir rejoindre la classe, certains élèves en profite pour se saluer, se raconter les événements de la veille, elle, n’a personne avec qui échanger ce genre de choses, alors elle les ignore et fonce tout droit jusqu’au dojo.
Elle ne perd pas de temps à se changer puisqu’elle est déjà en tenue, l’entraînement commence, elle n’y est pas comme d’habitude, elle exécute les frappes demandés mais elle n’en retire aucun plaisir, elle voudrait être seule, se mettre en boule et pleurer, elle voudrait avoir à nouveau cinq ans et que tout aille bien, mais rien ne va jamais, pas ici.

Kimiko sort avant les autres, se dépêche de prendre sa douche, enfile la tenue règlementaire de l’école et sort, prend une grande bouffée d’air, veut se libérer.
Elle veut que les choses changent et être capable de mettre des mots sur ce qui ne va pas, mais elle n’aime pas prendre la parole, elle a peur de ce qui pourrait sortir de sa bouche, elle ne peut pas discuter avec sa mère et prend conscience qu’elle devrait commencer par changer avant de vouloir que sa mère agisse autrement, peut-être que l’heure est venue, peut-être qu’elle aussi à envi de crier à l’image de sa mère hier soir, elle avait eu quinze ans hier, il était peut-être temps de montrer qu’elle n’était pas une simple poupée.

Alors elle se dirige là où elle peut trouver des gens, pas à la cantine il y a trop de monde, elle rentre dans la salle de sport, souvent les étudiants qui ne veulent prendre leur repas entouré d’une masse grouillante d’élèves viennent ici mais en nombre limité.
Elle entend le sol du terrain de basket raisonner et s’y dirige, si elle est capable d’aligner deux phrases compréhensives sans se sentir menacée et qu’elle ait envi de remettre ça, ce serait déjà un très bon début.
Elle entre et voit la silhouette sur le terrain, n’arrive pas à la distinguer, avance un peu pendant qu'il fait voler le ballon pour que celui-ci atterrisse sans difficulté dans le cerceau. Elle sourit, il excelle au moins autant qu'elle mais pas dans la même catégorie.
Elle se pose sur la première rangée des gradins, regarde plus attentivement le jeune homme, Ginji, le premier de la classe, celui avec qui elle rivalise de bonnes notes, celui qui tient la place qu'elle aimerait prendre et certainement pas le camarade le plus sympathique de sa classe. Elle aimerait fuir, sachant que cette idée stupide ne changerait rien à ses problèmes et que de toute façon, que pourrait-elle bien lui dire ?
Mais trop tard, il a levé les yeux vers elle et elle se sent prise au piège, alors elle sourit, mais il sonne faux et ressemble plus à une grimace qu'à autre chose, elle se déteste, son manque d'aisance est pathétique. Elle cache alors son visage, laissant tomber ses longues mèches de cheveux encore imprégnées d'eau devant ses yeux, prend son sac entre ses mains et fait mine de chercher quelque chose à l'intérieur.
Il ne faut pas qu'il vienne, il ne faut pas qu'il lui parle, elle ne veut pas s'humilier en se rendant compte qu'elle ne peut pas parler, que les sons qu'elle sort ne sont que des babillages.

Assis sur le parquet du terrain, alors que la balle, après avoir heurté le mur et rebondit contre sa paroi, revenait en roulant lentement en sa direction, Akabane ressentit une présence, dans son dos .. Ou plutôt que dans son dos, directement dans les gradins .. Quelqu'un était là, et malgré la distance qui les séparait, ce quelqu'un l'observait ..
L'ailier gauche tourna alors son regard en direction de cette présence, pour voir, assise plus haut que lui compte tenu du fait que les gradins étaient en élévation, Koori Kimiko, l'intello de la classe, celle qui partageait sa vie entre les études et le tae kwan do, et semblait n'être intéressée par rien d'autre au monde .. La seconde de la classe, que Ginji battait mais de peu .. La seule différence importante entre ces deux élèves était sûrement que Ginji, lui, ne révisait jamais, alors que la fille ne semblait faire que cela ..
Koori sembla alors adresser un signe au garçon .. Quelque chose de bien étrange, qu'il n'aurait pas pensé venir de cette fille .. Un semblant de sourire ..
Ginji n'y répondit pas .. Et la jeune fille sembla s'apercevoir de cette nonchalance à son égard, car elle feinta alors de fouiller son sac à la recherche de quelque chose qui n'existait sûrement même pas ..

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Prononcée pourtant si doucement, la phrase avait raisonnée dans tout le gymnase, ce qui n'avait rien d'incroyable compte tenu à la fois du fait de l'architecture du bâtiment et du fait qu'ils s'y trouvaient seuls, du moins pour le moment ..
Et si les mots employés avaient pu paraître étrange, le ton, lui n'était pas provocateur .. Ni même amical, en fait .. Il était des plus neutres, marquant la sincérité du garçon ..
Car, à vrai dire, que pouvait donc bien faire une fille qui ne semblait pas réellement s'intéresser au basket dans les gradins d'un gymnase où se déroulaient, justement, les matchs de basket ?

Plus de doute possible, il l’avait bien vu, lorsque le jeune homme lui adressa la parole, son rythme cardiaque s’accéléra en de pulsions violentes qu’elle ressentait dans ses tempes, dans ses veines, son souffle aussi n’était pas comme d’habitude, il devenait plus saccadé et rapide. Kimiko essaie de se calmer, s’énerve encore plus, contre tout ce qui ne va pas, contre son frère, contre cette mère tyrannique qu’elle idolâtre, contre elle-même et ses idioties.
Puis elle arrête de fouiller dans son sac, de toute façon, rien ne sert de s’acharner, non, son déjeuner n’est pas la dedans, elle se contentera de sa pomme et tant pis si ce n’est pas suffisant, il ne faut pas être si étourdie !
Elle le laisse choir le long de ses cuisses et le rattrape avant qu’il ne touche le sol pour en sortir un livre, au moins s’il s’approche, elle pourra toujours feinter.

Elle le regarde à nouveau, place ses mots dans le bon ordre, que croit-il ? Que c’est parce qu’il joue au basket qu’il a l’exclusivité de pouvoir venir aux alentours du terrain ? Ou peut-être est-ce parce qu’il est issu d’une famille riche et que forcément, il a bien plus de droit qu’elle !
Kimiko pensa furtivement que c’était tout simplement parce qu’elle n’était pas habituée à venir traîner, ses journées étaient simples et se résumaient à cela : bus, cours, self, bibliothèque, cours, bus, maison. Alors peut-être que son camarade était juste étonné de la voir ici et cette question découlerait naturellement. Mais la jeune fille accorde moins de crédit à cette hypothèse qu’à les deux précédentes.

Elle entame alors mentalement une réponse, veut y mettre de l’animosité, que croit-il lui de toute façon ? Qu’elle l’a choisi ? Qu’elle vient exprès pour lui gâcher sa petite pause ?
Non, au contraire, si elle avait pu choisir parmi ses camarades, ce n’est certainement pas lui qui serait ressortit, elle n’y aurait probablement pas pensé, elle aurait choisi le pitre de services ou bien cette fille un peu bizarre mais qui a des sourires et des bonjours pour tout le monde, oui, elle était sûre qu’avec eux, ça se serait certainement bien passé, mais ce n’est pas pour autant, qu’elle leur a adressé la parole depuis le début de cette année scolaire.

Alors elle fait un vague signe de la main, dont la traduction se situe entre le « je suis désolée » et le « retourne à tes occupations » mais bien consciente que ce n’est pas suffisant et surtout incompréhensible pour quelque un d’autre qu’elle-même, elle se résout à employer des mots, en tentant de se calmer légèrement avant. Elle n’a pas besoin d’élever la voix pour qu’elle porte jusqu’à Ginji. L’écho, le vide et les murs hauts de la salle l’y aide. Alors elle ne se force pas, tente d’être naturelle et de garder une certaine contenance.
Elle relève le visage dont les yeux perdus n’ont de cesse de se poser successivement sur le sol, puis sur le visage lointain de son camarade, elle hausse les épaules, souffle, regarde le plafonds, cherche ses mots.


Je voulais être tranquille et au calme.
Mais pas seule.

Non parce que la solitude, ça l’effraie, et partie comme elle l’est, elle pense avec appréhension qu’elle finira comme ça, seule, sans personne à ses côtés, ou ses maudits chats qui puent et qui ont des grossesses dans son dos, qui se multiplient, pour emplir lentement le vide de sa vie, elle finira seule, vieille et moche, c’est une certitude et elle en a conscience, c’est pour ça qu’elle veut changer, parce que sa vie ne lui plait pas plus que ça, parce que son futur encore obscur lui permet de voir certaines facettes de sa vie prochaine dont elle ne veut pas, qu’elle répugne, même.
Et que même si elle a perdu beaucoup de temps et qu’elle a un sacré retard à rattraper, elle ne se décourage pas, même s’il y a encore quelques jours, elle n’avait aucune envie de se mêler aux autres, aujourd’hui elle n’y tient plus, elle veut un ami, elle veut devenir sociable et plus que tout, devenir normale et que tout aille bien.

Ne fais pas attention à moi, j’attends le début du prochain cours…

Koori semblait nerveuse, et malgré la distance relativement importante qui les séparait, cela, Ginji l'avait parfaitement remarqué ..
Dans une telle situation, un élève dit lambda de leur classe aurait sûrement adressé un bon mot à la jeune fille pour la remettre en confiance .. Seulement voilà, ce n'était pas dans le caractère d'Akabane de dévoiler son intérêt pour les autres ..

- Fais comme ça te plaît, ça me concerne pas ..

Le garçon se releva alors lentement, feignant une quelconque fatigue dans ses mouvements, avant de prendre entre ses poings ouverts la balle reposant toujours au sol .. La retenant du creux de la main gauche, ses doigts l'enroulant de manière télescopique sur une partie de sa superficie .. Sûrement pas la moitié, compte tenu de la taille relativement large de l'objet, mais tout de même suffisamment pour que, au prix d'un effort des plus moindres, la balle ne chute pas contre le parquet ..
Son regard demeurait, lui, dans le vague .. D'un balayage de l'épaule, son bras roula de bas en haut, sa main parti dans le sens opposé au panier pour finalement revenir en sa direction en passant au dessus de sa tête, lâchant le ballon au dernier moment, en un mouvement d'une nonchalance qui lui aurait sûrement value d'être renvoyé sur le banc durant un match de compétition réel .. La balle frappa contre le coin supérieur gauche du cadre de la planche, laissant comme marque de son passage un choc au son mate qui résonna dans la salle au demeurant presque vide, avant de tourner un temps autours de l'arceau, pour finalement plonger en son coeur .. Et si ce tir avait pu paraître exercé au plus grand hasard, il n'en était rien .. Ce tir n'était rien d'autre que le shoot en bras roulé de l'ailier gauche, tir enseigné aux jeunes pratiquant au plus près du panier, quitte à s'en trouver juste en dessous, et cela en raison de son manque flagrant de précision, que Ginji avait affiné afin de le rendre aussi précis de derrière les trois points que de la frontière des lancers francs, la balle ne manquant jamais son but, ou si peu ..
Un nouveau choc retentit, avant de se répéter, identique à celui qui venait d'être produit, quoique légèrement inférieur en sonorité .. La balle venait d'atteindre le sol, et rebondissait en puissance et continu sur le parquet ciré ..
Ce panier aurait pu paraître magnifique pour un simple spectateur, et peut-être même pour un commentateur expérimenté .. Seulement, Ginji s'en moquait éperdument .. À peine avait-il lâché la balle que déjà, il avait fait volte face, s'éloignant du panier après son demi-tour sur lui même ..
L'ayant attrapé au passage, presque au vol compte tenu de la vitesse du mouvement, Akabane passa la lanière de son sac à dos sur l'une de ses épaules, puis rejoignit à pas lents les gradins .. Non pas pour se rapprocher de sa camarade, mais plutôt pour se reposer .. Ayant rejoins les gradins par l'escalier opposé à celui de Koori, il se tenait toujours éloigné d'elle, même si la distance s'était restreinte, ou si peu ..
Il s'allongea alors sur les bancs spectateurs, s'affalant sur un siège tout en laissant ses jambes reposer sur celui se trouvant juste devant .. Les bras passées derrières sa nuque, ses mains retenant sa tête, Ginji ferma les yeux ..
Cette nuit, il n'avait pas trouvé le sommeil .. Pourquoi ? Lui même n'en avait pas la réponse .. Il n'avait pas à se plaindre des cours, puisqu'il décrochait la première place sans pour autant ne se tuer à la tâche, loin de là .. Quant au social, la popularité intempestive, les personnes qui se disent amis alors qu'ils ne nous connaissent même pas réellement, ce n'avait jamais été son truc .. Le problème était donc ailleurs .. Mais où ? Ses relations avec sa famille n'avaient rien de tendues, il s'entendait même particulièrement bien avec son père, tout en trouvant de l'intérêt à l'aider dans son propre travail de médecin .. Oui, vraiment, Ginji ne savait ce qui n'allait pas .. Mais, à vrai dire, ça ne l'intéressait pas .. Après tout, ce n'était sûrement qu'un dérèglement passager, ça n'allait pas durer .. Ou, du moins, il l'espérait ..

La petite timide regarde le jeune premier exécuter son lancé avec nonchalance, comme désintéressé par le tir qu’elle pense remarquable, puis sursaute et plisse les yeux à chaque résonance, avec plus ou moins d’intensité selon la puissance du ballon à frapper le sol. Elle qui rêve de calme, elle ne peut que s’en vouloir d’avoir choisi ce lieu.
Son regard croise celui de son camarade lorsqu’il entreprend de la rejoindre, elle plonge de nouveau ses yeux sur le sol, son visage l’accompagne, ses joues commencent à prendre feu et elle se concentre sur le livre qu’elle tient entre ses mains, se demande s’il faut feindre ou simplement partir. Elle pourrait aller à la bibliothèque, rendre les livres empruntés et relire le chapitre aborder lors de son dernier cours d’histoire dont le prochain n’allait pas tarder.
Elle cesse de paniquer lorsqu’elle entend Ginji se poser plus loin, dans les gradins, mais à l’opposé de où est-ce qu’elle se trouve, elle pousse un soupir de soulagement, finalement, elle ne se pense pas prête à faire face aux autres.
Elle les a déjà observé, ces gens là, vivre entre eux, donner l’impression que c’est facile de discuter, mais elle, elle n’en est pas capable, quelque chose qui lui manque pour ça et pourtant, si avant, ça ne lui avait jamais gâché la vie, là tout de suite et maintenant, c’est-ce qu’elle veut, discuter, en apprendre plus sur ses camarades, qui sait, elle trouvera peut-être quelque un digne d’intérêt, une personne avec qui elle pourrait discuter librement sans forcément avoir peur de ce qui sort de sa bouche.
Pour les autres, c’était certainement naturelle, mais pour elle, c’était un interdit, une barrière à ne pas franchir pour rester dans l’estime de sa mère.
D’accord, celle-ci n’était pas obliger d’être au courant, d’ailleurs, elle n’en saurait rien si Kimiko ne vendait pas la mèche, elle sourit, un sourire large qui découvre une partie de sa dentition. Mais elle si incapable de mentir, pourrait bien se vendre si sa mère la questionnait, le sourire retombe, Koori pose le visage dans ses mains, laisse ses cheveux la recouvrir, sent son ventre s’agiter et grogner, ne sait pas si c’est sa faim ou sa colère qui fait ça, parce qu’elle est encore contrariée, parce qu’elle s’est vu construire les murs de sa prison pendant de nombreuses années et aujourd’hui bien consolidés, elle a l’impression qu’elle ne pourra jamais les détruire.

Elle relève le visage, jette un regard furtif sur le côté en direction d’Akabane, vérifier qu’il est calme et toujours éloigné, rassurée, elle essaie d’entrevoir clairement ce dont elle a envie, si le changement est réellement la réponse à ses problèmes et si finalement, sa petite vie ne la satisfait pas. Mais non ! L’évidence l’a frappée et il ne sert à rien de le nier, si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, puis tous les jours que cette idée la harcèlerait alors, elle montre un visage résolu et qu’importe qu’il est envi de discuté ou non, elle lui tira les vers du nez.
De toute façon, si elle n’a pas grand-chose à gagner, elle n’a rien à perdre, peut-être un peu de fierté, mais qu’importe qu’on se moque d’elle, elle en avait l’habitude, les choses qu’on ne comprend pas, qui nous dépassent, sont souvent risibles et elle n’échappe à la règle.

Tu aimes réellement le basket ?

La voix sort avec difficulté, légèrement étranglée, on sent qu’il lui a coûté de sortir ces simples mots, mais Kimiko ne laisse rien transparaître, son visage déterminé est tourné vers le terrain, ses yeux se promènent sur l’espace que se partagent les joueurs, changeant de point à intervalle irrégulier, elle ne peut pas fixé Ginji, mais n’en est pas moins attentive.

À voir la façon dont jouer le jeune homme, il est difficile de s’imaginer qu’il était prit d’une passion dévorante pour le basket, mais peut-être était-ce simplement parce qu’il n’était pas au sein d’un match. Toutefois, la petite, ne put s’empêcher de penser que le basket l’ennuyait, comme elle, avec la cérémonie du thé, elle n’aime pas particulièrement, trouve ça vite barbant, mais sa mère a fortement insisté pour qu’elle suive ce cours et il était hors de question qu’elle refuse, elle aurait aimé faire autre chose, du théâtre pourquoi pas, pour lutter contre sa timidité maladive, mais sa mère ne voulait pas qu’elle se disperse trop, deux activités sont largement suffisante, selon elle et bien que Kimiko pense le contraire, elle se garde bien de le dire à sa mère.

[ Désolé pour ce long retard, allez, je te libère .. ]



- Tu aimes réellement le basket ?

Cette question, Ginji ne l'attendait vraiment pas .. Qu'elle ne fut pas sa surprise, donc, en l'entendant prononcée, et par une personne qui ne semblait même pas s'intéresser plus que cela au basket, d'autant plus ..
Akabane se figea un instant, le regard dans le vide, le corps quelque peu raidit, mais un instant seulement .. Il se tourna rapidement vers la jeune fille, une expression indescriptible sur le visage, mais le regard neutre ..
Comment était-ce possible ? Lui qui s'était pourtant assuré qu'il ne montrerai en rien sa passion déclinante pour le jeu, ainsi mis à nu même par une personne qui ne s'y intéressait en rien, ou du moins selon son avis personnel .. Alors, si même elle le savait, tout le monde devait le savoir .. Y compris son entraîneur ..
Puis, finalement, son visage reprit sa nonchalance habituelle alors qu'il redirigeait son regard sur le terrain .. Non, il se faisait des idées .. Kaori tentait seulement tant bien que mal d'entreprendre un semblant de discussion à propos de remarques absolument infondées, elle ne pouvait avoir compris aussi facilement, il n'y avait aucun soucis à ce faire ..

- ..

Ginji avait répondu, un simple mot, mais le son de sa voix avait été couvert par celui de la sonnerie du collège .. Il était temps, leur prochain cours allait commencé .. Portant un instant son regard sur le haut parleur hurlant sa sirène stridente, avant d'attraper d'une main son sac en se relevant, et de se diriger à pas calmes et en silence vers la sortie du gymnase ..

* échec, échec, échec !!! Tu n'es vraiment bonne à rien ! *

Koori ne relève pas le visage vers son camarade, quand celui-ci lui fausse compagnie sans se donner la peine de lui répondre. Elle reste là, claquant sa tête contre le siège derrière elle, avec plus ou moins de force. Ses genoux sont pliés, ses bras les encerclent, ses yeux sont vides et mornes, les larmes commencent à monter. Kimiko est frustrée et la frustration est un sentiment dont elle a horreur et pourtant, elle le ressent si souvent...
La sonnerie a retentit depuis plusieurs minutes, mais elle s'en fiche. Elle veut être seule, parce que la solitude la comprend, elle est au moins aussi vide et inintéressante qu'elle. Elle voudrait que le néant l'engouffre et ne la recrache jamais. Mais c'est impossible. Comme tout ce qu'elle a en tête. Comme tout ce qu'elle aimerait faire. Ses envies sont placardées de panneaux interdits.

Un sourire sur les lèvres, elle pense au cours qui a débuté sans elle et qui finira comme tel. Elle n'y assistera pas. Elle sèche, une première dans sa vie. Et déjà le parfum exquis de la rébellion parvient à ses narines. Qu'importe que Ginji ne participe pas à sa révolution, le collège contient tellement de pions... Elle n’aura qu’à choisir celui qui lui plait.
Elle se lève, sèche ses larmes d’un revers de la main puis récupère son sac, qu’elle passe autour de son épaule. D’un pas léger, presque en sautillant, elle quitte le terrain de basket, un sourire presque imperceptible sur les lèvres.

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